mardi 4 juin 2013

Le Musée des beaux-arts de Kaboul





    C'est un musée d'art gardé comme un secret derrière les hautes grilles d'une villa centenaire de Kaboul qui raconte à sa façon l'histoire tragique de l'Afghanistan, les guerres, les pillages, le fanatisme et la pauvreté.
     Au musée des beaux-arts de Kaboul, les toiles souffrent parfois de légères lacérations quand elles n'ondulent pas sous l'effet de l'humidité. Les salles agrémentées de fauteuils et sofas comme dans un salon sont toutefois dépourvues d'appareils de climatisation et l'éclairage se résume à une lampe suspendue au plafond.
     L'art figuratif occupe toutes les salles avec des natures mortes, des paysages, des scènes du quotidien et une galerie de portraits réchappée du passé.
     "Avant la guerre civile (1992-1996) et l'entrée à Kaboul des talibans en 1996, le musée comptait plus de 800 oeuvres, la plupart du 19e et 20 siècles, mais plus de la moitié ont été volées ou détruites", raconte une employée du musée, Sobra Rahmoni, 45 ans.
     Sous le régime des talibans, chassés du pouvoir en 2001, quelque 200 peintures ont été supprimées. "Les talibans n'aimaient pas les visages parce qu'ils disaient que toute représentation humaine, même animale, était interdite selon l'islam", raconte cette femme.
    "Ils avaient toutefois permis qu'on garde accrochés des tableaux représentant des scènes du quotidien, sauf qu'ils avaient voilé la partie du tableau montrant des gens", explique-t-elle.
     D'autres toiles ont été sauvées du désastre en gommant les représentations humaines avec de la peinture à l'eau, facile ensuite à enlever.
     "Jamais le musée a fermé ses portes, même pendant les bombardements de la guerre. Le musée et cette maison sont un peu les témoins de notre histoire", dit Mme Rahmoni qui travaille depuis son adolescence au musée. "Sauf pendant la période des talibans, précise-t-elle, les femmes n'avaient alors pas le droit de travailler".
                                        



     Le musée a ouvert ses portes en 1983, alors que le pays était sous occupation soviétique. Il est installé dans une villa de la fin du XIXe siècle dont le premier propriétaire fut l'illustre général Ghulam Haider Khan Tcharkhi.
     La famille Tcharkhi allait connaître un destin tragique à l'image du pays. Ghulam Nabi (1890-1932), fils du général et ancien ambassadeur en Union soviétique, a été exécuté le 8 novembre 1932 avec 17 membres de la famille Tcharkhi pour avoir fomenté un soulevèment des tribus pachtounes contre le roi Nadir Shah.
     Le roi lui-même allait être assassiné exactement un an plus tard par trois balles tirées à bout portant par un jeune étudiant hazara dont le père était un serviteur de Ghulam Nabi. On raconte que le garçon de 17 ans, Abdul Khaliq, fut horriblement torturé avant d'être à son tour exécuté.
       Un portrait de Nadir Shah se retrouve aujourd'hui accroché dans l'ancienne maison Tcharkhi... Une salle du musée plutôt récente est en effet consacrée aux dirigeants du passé: le dernier roi d'Afghanistan Zaher Shah, fils de Nadir, y côtoie notamment le général Daoud Khan qui l'avait déposé en 1973 pour devenir le premier président du pays.
     Le dernier dirigeant communiste du pays, Najibullah, figure également dans cette salle, lui qui a été renversé en 1992 par des chefs de guerre afghans moins de trois ans après le départ des troupes soviétiques, et exécuté en 1996 par les talibans qui venaient de s'emparer de Kaboul.
      Le seul absent de cette galerie de portraits est bien sûr le mollah Omar, le chef des talibans en fuite depuis la chute de son régime en 2001.


    "C'est un lieu chargé d'histoire qui devrait susciter plus d'intérêt", estime Mohammed Rafik, le nouveau directeur de la Galerie.
    Il aimerait échanger des oeuvres avec d'autres institutions, mais il avoue que sans accès à internet, le musée est coupé du monde.
    Malgré le manque de financements de l'Etat, ce musée compte aujourd'hui quelque 600 toiles de peintres afghans mais aussi des copies de peintres étrangers, grâce à des donations, selon M. Rafik.
    Une vingtaine de tableaux offerts il y a quelques années et "représentant des corps nus ne peuvent être présentés au public", précise Mme Rahmoni. A l'exception d'une copie d'un tableau italien, sombre et mal conservée, où l'on devine toutefois sans peine le torse nu d'une femme...







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